AUDIT DES FONDS REÇUS PAR LES EX-PARTIS POLITIQUES PAR LA COUR SUPRÊME : UN NON-ÉVÉNEMENT POUR CERTAINS EX-PRÉSIDENTS DE PARTIS, QUI ACCUSENT PLUTÔT LA TRANSITION DE DÉTOURNEMENTS !

Par un communiqué officiel, le Président de la Section des Comptes de la Cour Suprême, a convié les ex-formations politiques à s’acquitter de leurs obligations comptables avant le 30 juin 2025, cela dans le cadre de l’audit du financement par celle-ci durant la période de juillet 2000 à mai 2025.
Pour plusieurs anciens acteurs politiques, il s’agit juste-là d’une manière de distraire l’opinion face aux vrais défis de l’heure, dans la mesure où on ne saurait demander des comptes à une entité qui n’existe plus… Mieux encore, on estime que c’est plutôt aux autorités de la Transition de justifier l’usage fait des 0,25% des recettes fiscales du budget de l’État qui devaient revenir aux formations politiques, d’août 2020 à la dissolution des partis ! Pour ce qui est du communiqué de la Cour suprême, les ex-partis politiques sont appelés à prendre toutes les dispositions nécessaires pour procéder au dépôt des documents financiers requis auprès de la Section des Comptes, à travers diverses pièces comme les copies des états financiers de chaque année ; les pièces justificatives des dépenses engagées ; les journaux de banque et de caisse ; les relevés bancaires et les états de rapprochement bancaire ; documents retraçant la situation annuelle des ressources obtenues et utilisées.
Le communiqué précise en outre que les présidents ou représentants des partis concernés peuvent prendre attache avec les services compétents de la section des comptes pour toute information complémentaire ou clarification nécessaire au dépôt de leurs dossiers.
Pour les anciens présidents d’ex-partis interrogés, cette opération d’audit qui est supposée s’inscrire dans une volonté de renforcer la transparence dans la gestion des fonds publics alloués aux partis politiques qui n’existent plus, aurait été comprise, si l’on était de bonne foi, si elle avait été lancée dans le cadre des réformes politiques et institutionnelles en cours avant la dissolution des partis politiques. Ils rappellent par ailleurs que le financement public des partis politiques au Mali obéit à un cadre juridique précis, notamment aux principes de justification, de traçabilité et de contrôle de l’utilisation des fonds publics. Aucun parti politique, de 2000 à la dissolution des partis, n’a perçu un centime de franc sans le quitus de la Section des Compte de la Cour Suprême, qui recevait chaque année tous les documents justificatifs à cette fin, assorti des états financiers de l’année écoulée. « Si erreurs il y a eu dans l’octroi de ces fonds, ces erreurs sont à chercher au niveau de la Section des Comptes et des partis », nous explique un ancien président d’ex-parti. En plus, a-t-il ajouté, un parti politique est une personne morale et l’agent perçu est accordé au parti et non à une personne physique. « Les partis n’existant plus, on ne peut exiger des comptes aujourd’hui à une personne physique qu’on appelle d’ailleurs « ancien président d’ancien parti ».
C’est vous dire qu’il n’y aucune logique dans cette volonté affichée aujourd’hui par la Section des Comptes de la Suprême dont les motivations sont à chercher ailleurs.
En d’autres termes, je n’y vois qu’une volonté de détourner l’attention des Maliens, l’audit des financements des partis n’ayant aucun impact sur l’insécurité grandissante qui nous guette jusque dans nos grandes villes », a estimé notre interlocuteur. C’est plutôt à la Transition qu’il faut demander des comptes pour détournements ! Rappelons que le financement public des partis politiques au Mali remonte à 2005 avec la loi 05-047 du 18 août 2005, portant Charte des partis politiques. Cette charte qui régissait la vie des partis politiques avait pour objectif de réglementer la formation, le fonctionnement et le financement des partis politiques. Elle indiquait en son article 29 que les partis politiques bénéficient d’une aide financière d’une valeur de 0,25% des recettes fiscales du budget de l’État pour les aider dans leurs missions dont la principale était la formation politique. Mais ce financement, il faut le souligner, était alloué en fonction de certains critères : 15% pour les partis ayant participé aux dernières élections (municipales et législatives) ; 40% proportionnellement au nombre de députés ; 35% pour le nombre de conseillers communaux et enfin 10% pour le nombre de femmes élues à raison de 5% pour les députées et 5% pour les conseillères communales. Il faut cependant noter que les partis politiques, disons les ex-partis politiques, n’ont pas bénéficié de cette aide depuis 2018.
La loi sur le financement des partis politiques était donc en vigueur, d’août 2020 à la révocation de la charte et la dissolution des partis politiques, soit déjà 5 ans que les désormais ex-partis politiques n’ont rien perçu de l’Etat.
« Puisque durant toute cette période la loi sur le financement était en vigueur, d’où partaient les 0,25% des recettes fiscales du budget de l’État devant normalement revenir aux partis politiques », s’interroge encore notre interlocuteur, avant d’ajouter : « ces milliards de revenu annuel ont donc été utilisés ailleurs ». Et de trancher net : « C’est dire, contrairement à ce qu’on veut faire croire à l’opinion, que ce sont plutôt les autorités de la Transition qui ont détourné sur cette période l’argent devant revenir aux partis. Si la Section des Comptes de la Cour Suprême voulait se rendre utile et en même temps rendre service au peuple, elle devrait plutôt demander des comptes aux autorités en place par rapport à l’usage fait des 0,25% des recettes fiscales du budget de l’État devant revenir aux partis qui n’y ont pas eu droit d’août 2020 à la dissolution des partis. Mais hélas » !
Qu’est-ce qui se cache donc derrière l’audit du financement des ex-partis politiques annoncé par la Section des Comptes de la Cour Suprême, ce d’autant que ces entités n’existent plus, et qu’il ne revient pas aux anciens présidents d’anciens partis, des personnes physiques, à répondre à la place des personnes morales qu’étaient les partis politiques, sans oublier que c’est à ces dernières que les fonds ont alloués et non à la personne des anciens présidents d’entités qui n’existent plus ? La fin de l’échéance du 30 juin 2025 nous en dira sans doute un peu plus sur ce qui relève d’une trouble contradiction ! ■
MAÏMOUNA DOUMBIA