FIN DE L’ULTIMATUM POUR L’AUDIT FINANCIER DES PARTIS POLITIQUES : ET SI LES EX-PRÉSIDENTS REFUSAIENT D’OBTEMPÉRER À LA MISE EN DEMEURE DE LA SECTION DES COMPTES DE LA COUR SUPRÊME ?

 FIN DE L’ULTIMATUM POUR L’AUDIT FINANCIER DES PARTIS POLITIQUES : ET SI LES EX-PRÉSIDENTS REFUSAIENT D’OBTEMPÉRER À LA MISE EN DEMEURE DE LA SECTION DES COMPTES DE LA COUR SUPRÊME ?

Après les débats sur la dissolution des partis politiques, la Section des comptes de la Cour suprême du Mali a annoncé, dans un communiqué lu sur les antennes de l’ORTM le mardi 17 juin 2025, une opération d’audit visant les formations politiques ayant bénéficié d’un financement public entre juillet 2000 et mai 2025. Dès l’annonce de cette décision, certains ont crié à une chasse aux sorcières menée par le pouvoir, tandis que d’autres estiment qu’il s’agirait plutôt d’une opération de salubrité publique.

Les pièces attendues incluent les états financiers, les relevés bancaires et les journaux de caisse, avec une échéance fixée au 30 juin 2025. Cette opération s’inscrit dans le cadre d’un audit sur la gestion des financements publics alloués aux partis politiques. Les responsables des ex-partis ont vivement réagi à cette demande de la Section des comptes de la Cour suprême, arguant qu’il s’agit là d’une demande faite à des « morts d’assister à leurs propres funérailles ». Comment auditer des structures qui n’existent plus ? C’est pourtant ce que souhaitent faire les autorités de la transition, qui demandent aux partis dissous de déposer les copies des états financiers et autres pièces au plus tard le 30 juin 2025.

De sources proches, jusqu’à la date du vendredi 27 juin 2025, aucun dossier n’avait encore été enregistré.

Un fait qui ne doit pas surprendre, puisque plusieurs ex-présidents de partis ont déjà clarifié leur position en se prononçant sur la demande. À ce propos, voici quelques extraits de l’analyse de l’ex-président Me Mountaga Tall : « La lettre que la Cour des comptes a envoyée aux partis, qui a circulé sur les réseaux sociaux, a fini de me convaincre qu’il ne s’agit pas de faire un audit pour connaître la vérité sur les comptes des partis politiques, mais simplement d’une opération en vue de les salir et de les discréditer. Mais aussi, et puérilement, de leur tendre un PIÈGE GROSSIER en les incitant à violer les interdits posés par la loi de leur dissolution », a déclaré l’avocat doublé de politique. Il rappelle que c’est aux « présidents des anciens partis politiques » que la Section des comptes de la Cour suprême s’est adressée à travers une correspondance nominative, laquelle n’a pu être déposée aux sièges des partis, tous fermés à ce jour. Or, souligne Me Tall, il n’existe pas aujourd’hui de « président » de parti au Mali, fût-il ancien ou autre. En effet, selon lui, l’article 2 du décret n°2025-0339/PT-RM du 13 mai 2025 portant dissolution des partis politiques et des organisations à caractère politique en République du Mali fait clairement « interdiction de toute activité comme fondateur, président, directeur ou administrateur des organisations dissoutes ». La seule exception juridiquement possible, avant l’abrogation ou l’annulation de ce texte, est d’ester en justice ès qualité : ce droit, évidemment, ne peut jamais être méconnu, fait observer l’éminent avocat malien. Il s’empresse d’ajouter que le Premier ministre demande donc à la Section des comptes de la Cour suprême de violer la loi. « Elle aurait dû lui expliquer que sa demande était illégale », explique Me Tall, selon qui, en ce qui les concerne, c’est un piège dans lequel ils ne tomberont pas.

Pour Me Tall, les documents réclamés par la Section des comptes de la Cour suprême — même illégalement — ne peuvent être archivés qu’aux sièges des partis et ne peuvent être récupérés qu’en réunion des dirigeants du parti.

Or, le même texte interdit l’accès aux sièges des partis et interdit également les réunions des ex-dirigeants des ex-partis, ajoute le leader politique et président d’un parti dissous. Le juriste Tall explique : en effet, le même article 2, deuxième tiret, stipule «l’interdiction à toute personne de favoriser la réunion des membres d’un parti politique dissous, notamment en consentant l’usage d’un local dont elle dispose ou la mise à disposition de tout autre moyen à but politique ». Selon lui, la Section des comptes de la Cour suprême, pour obtenir satisfaction, doit demander la levée de ces interdictions et le rétablissement des partis politiques. À défaut, elle doit s’assumer devant le Premier ministre en lui indiquant clairement que la mission assignée est impossible à exécuter dans le respect de la loi. En attendant, il ne saurait être question de retirer la lettre, ni a fortiori d’y répondre, a déclaré Me Mountaga Tall, ancien président de l’ancien CNID-FYT. À l’instar de Me Tall, le secrétaire général de l’ex-ADEMA-PASJ, Yaya Sangaré, s’inscrit dans la même dynamique. «Un dérèglement politico-juridique. Faut-il en pleurer ou en rire ? », a-t-il lancé avec amertume. L’ancien député et ancien ministre estime que, lors de l’annonce de l’audit du financement des partis politiques, tous les responsables politiques – du moins les anciens – ont poussé un ouf de soulagement indescriptible. D’abord, selon lui, parce qu’enfin, l’occasion leur était offerte de prouver aux Maliens que les comptes des partis politiques étaient sincères et tout à fait transparents, du moins en ce qui concerne les partis politiques traditionnels comme l’ex-ADEMAPASJ, dont les responsables, à n’en pas douter, ont été rigoureux dans la gestion des fonds publics mis à leur disposition.

Il a tenu à rappeler, d’entrée de jeu, que le financement public des partis politiques au Mali remonte à 2005 avec la loi n°05-047 du 18 août 2005, portant Charte des partis politiques en République du Mali. En son article 29, cette Charte – récemment abrogée – prévoyait que les partis politiques devaient bénéficier d’une aide financière équivalente à 0,25 % des recettes fiscales du budget de l’État.

Elle leur était allouée pour les soutenir dans l’exécution de leurs missions, dont la principale reste la formation politique du citoyen malien. Un mécanisme de suivi avait été mis en place pour contrôler l’utilisation de ces fonds, mécanisme alors piloté par la Section des comptes de la Cour suprême. Comme l’indiquait la Charte abrogée en son article 27, cette Section avait la responsabilité de vérifier et valider les rapports de gestion des partis politiques, une condition sine qua non pour bénéficier du financement suivant. La Section des comptes se réservait également le droit de sanctionner tout parti politique n’ayant pas fourni les justifications fiables et pertinentes de l’utilisation du fonds octroyé, tel qu’indiqué dans l’article 30 de la Charte : « La présentation de faux bilans par tout parti politique entraîne la perte du droit au financement public pour l’année suivante. » Il faut aussi rappeler que l’appui accordé aux partis politiques ne dépendait pas de la seule volonté de l’État, comme les aides ou les subventions qu’il peut accorder ou supprimer à sa guise. C’était un financement inscrit dans le budget d’État et prélevé sur les recettes fiscales. À ce titre, il s’imposait aux gouvernants comme une loi. Donc, refuser de le verser aux partis politiques (pendant sept longues années) s’assimilerait à une forme de détournement de fonds publics. Ce qui aurait dû être vite corrigé avant tout audit des comptes financiers des partis politiques, au risque d’exposer les autorités responsables du forfait à des poursuites éventuelles. Car, depuis leur arrivée, malgré le vote par le CNT (tenant lieu d’organe législatif) des différents budgets d’État incluant toujours la même ligne budgétaire allouée aux partis politiques, aucun versement n’a été effectué sur les comptes bancaires desdits partis politiques. Le sevrage des partis politiques de leur financement a commencé depuis l’exercice budgétaire de 2018. L’ancien ministre et ex-secrétaire général du parti de la Ruche se pose également un certain nombre de questions, dont les suivantes : « Qu’a-t-on fait de ces crédits dont devraient bénéficier les formations politiques ? Qui a donc utilisé ce fonds ? Comment auditer, en toute objectivité, des entités officiellement dissoutes et, donc, n’ayant plus d’existence ni de réalité reconnue ? Est-ce une ruse pour justifier rétroactivement une décision brutale ? »Selon lui, cette démarche aurait pu avoir tout son sens avant la dissolution des partis politiques et l’interdiction de toute activité à caractère politique. « Un audit suppose, dans tous les cas, un interlocuteur légal. Qui serait celui-ci, ou qui pourrait-il être dans le contexte actuel ? Où se trouverait-il?Les partis politiques sont déjà morts de leur belle mort, comme s’en réjouissent certains de leurs détracteurs. »

Et Yaya Sangaré d’enfoncer le clou : « N’aurait-il pas été judicieux d’auditer les comptes des partis politiques déposés depuis des années à la Cour suprême, ou d’auditer tout simplement la Section des comptes de la Cour suprême elle-même ? »

Enfin, toujours selon lui, les partis politiques allaient avoir l’occasion inespérée de laver leur honneur en prouvant que, contrairement à une fausse rumeur inoculée dans l’esprit de beaucoup de nos compatriotes, l’État ne les finançait plus depuis bon nombre d’années. Mais, sur la base de textes légaux que la Transition n’a pas eu le courage d’abroger, les partis politiques ont perçu légalement, pendant quatre (4), voire cinq (5) longues années, un financement public – c’est-à-dire l’argent du contribuable malien – dont chaque centime utilisé a été justifié et validé, année après année, par la Section des comptes de la Cour suprême, depuis le début jusqu’à la suspension du processus. Malheureusement, dit-il, leur enthousiasme a été de courte durée, avec la dissolution inattendue des partis politiques, survenue le 13 mai 2025, avant la transmission des documents réclamés et leur audition. Pour lui, la lettre que la Cour suprême a envoyée aux partis politiques, et qui a longtemps circulé sur les réseaux sociaux, l’a définitivement convaincu qu’il ne s’agit nullement d’un audit destiné à découvrir et à faire connaître la vérité sur les comptes financiers des partis politiques, mais bien d’une opération visant à les confondre, les salir et les discréditer. Selon le leader politique, si la reddition des comptes est une nécessité impérieuse pour une gouvernance vertueuse et une transparence dans l’utilisation des fonds alloués aux formations politiques, il importe de savoir que la démarche ainsi instruite à l’encontre des partis politiques comporte des implications techniques, juridiques et réglementaires complexes et délicates.

Cette reddition a été régulièrement assurée, indique Yaya Sangaré, qui espère vivement que les contraintes actuelles seront levées afin de permettre aux partis politiques de laver leur honneur et de sortir de cette tragi-comédie et de la confusion ambiante. Mieux encore, selon lui, la levée de ces contraintes pourrait permettre aux partis politiques, dirigés par des citoyens maliens jouissant de leurs droits constitutionnels, d’intenter une action contre le Gouvernement pour détournement de fonds publics dus aux partis politiques. En attendant, ajoute l’ancien député, il n’est « techniquement » possible ni de retirer la lettre de la Section des comptes de la Cour suprême, ni, encore moins, d’y répondre. De ce qui précède, l’on apprend de source sûre qu’à la date du vendredi dernier, aucun des ex-partis politiques n’a daigné s’exécuter à la demande de la Section des comptes de la Cour suprême du Mali. Si l’on s’interroge sur ce qu’il adviendra en cas de refus des ex-présidents de partis de s’exécuter à cette demande à l’issue du délai imparti, un ex-président de parti que nous avons interrogé répond sans ambages : « Il n’y a rien de pénal dans cette affaire de financement alloué aux ex-partis. » Vrai ou faux ? ■

LAYA DIARRA

Sarah TRAORE

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