CINQ ANS APRÈS LA CHUTE DE SON RÉGIME : QUE SONT DEVENUS LES TOMBEURS DU PRÉSIDENT IBK?

Dans exactement trois mois, on bouclera les cinq ans de la chute du régime du Président de la République démocratiquement élu, feu Ibrahim Boubacar Kéita, mais pourtant chassé par des démocrates, aujourd’hui en totale désillusion face à la tournure prise par la Transition qui était supposée gérer très rapidement les tares du défunt régime et organiser des élections consacrant le retour à l’ordre constitutionnel, tout au plus dans 18 mois…
Cinq ans après, la démocratie dans l’agonie, pendant que les acteurs politiques sont « effacés ». Mais que sont devenus les ténors de l’insurrection populaire symbolisée par la Place de l’Indépendance du Mali ? Si certains de ces ténors n’éprouvent de gêne à faire part de leur regret, à l’image du cinéaste et ancien ministre Cheick Oumar Sissoko, pour qui la lutte qui a fait chuter IBK, au prix de 23 morts, plusieurs blessés et saccage de certaines institutions de la République, n’a produit aucun changement fondamental hormis la prise de Kidal avec une armée dont on peut s’enorgueillir, bien qu’étant finalement à la « case départ », d’autres ruminent si amèrement leurs actes qu’ils refuseraient de se retrouver encore dans un tel mouvement, si les choses étaient à refaire !
« On peut dire que fondamentalement rien n’a changé par rapport à la gouvernance, encore moins pour l’économie, dont la situation est beaucoup plus dramatique aujourd’hui que sous le régime d’IBK. La population malienne n’a jamais été autant divisée, sans parler de l’isolement continue de notre pays sur le plan international, les partenaires techniques et financiers ayant pour la plupart abandonné le Mali. La démocratie est au stade de la mort avec la dissolution des partis politiques, le rétrécissement des espaces de liberté et la mise sous quarantaine de la tenue des élections », nous a confié un acteur politique, disons un ancien acteur politique.
Quid donc des principaux acteurs de l’insurrection ? Imam Mahmoud Dicko, l’autorité morale tombée en disgrâce ! Le principal acteur du Boulevard de l’Indépendance, l’homme le plus populaire et le plus écouté de l’époque, celui-là même qui a à plusieurs reprises été supplié par IBK, se trouve aujourd’hui contraint à l’exil en Algérie, loin de sa famille, loin de sa… mosquée !
On se souvient encore de ces propos à lui adressés par IBK en un dernier moment de détresse : « Mahmoud, Ni djamana nin bina i bolo, abè taa ka aw bolo dan dè ». Traduction littérale : « Si le pays-là s’effondre, ce sera irréversible pour toi et pour tout le monde » ! Prémonition ou simple conseil d’un sage du Mandé ? Ce qui sûr, c’est que comme l’a une fois dit Me Mohamed Ali Bathily, « le serpent a fini par mordre sa queue » pour beaucoup, à l’image d’un autre ténor de la Place de l’Indépendance, devenu grillon ou frelon, c’est selon, pour nombre de ses compagnons de révolution, avant de connaître la grande humiliation, en l’occurrence Dr Choguel Kokalla Maïga, tout puissant ancien PM et ancien président du CS M5-RFP, chassé de la Primature comme un malpropre, payant ainsi le prix de sa trahison et de ses propres contradictions ! Pendant que les Cheick Oumar Sissoko, Mohamed Ali Bathily, Modibo Sidibé, Koniba Sidibé, Mme Sy Kadiatou Sow, Jeamille Bittar, Me Mountaga Tall… sont contraints aujourd’hui à abandonner la scène politique, leurs convictions politiques avec, d’autres grands orateurs du Boulevard de l’Indépendance comme Issa Kaou Djim, Adama Diarra Ben Le Cerveau, Clément Dembélé… croupissent en prison, le reste, à l’image de Mahmoud Dicko étant contraint à l’exil !

Une coalition qui se voulait porteuse des aspirations populaires s’est progressivement délitée sous le poids des rivalités personnelles et des désaccords stratégiques. Les membres clés de ce mouvement hétéroclite, naguère perçus comme les fers de lance du changement, se retrouvent aujourd’hui soit marginalisés, soit confrontés à des ennuis judiciaires ou contraints à l’exil. Le rêve du « Mali Kura » tant nourrit s’est affalé aujourd’hui comme un château de sable ! Le Président IBK est sans doute en train de pleurer, depuis sa tombe, le Mali et les Maliens, victimes des effets collatéraux de ses tombeurs hybrides, tant il aimait ce pays… Que Dieu lui fasse miséricorde ! Que Dieu inspire ceux qui nous gouvernent aujourd’hui ! ■
MAÏMOUNA DOUMBIA