ARRIVÉE PROCHAINE DE TRAIN À BAMAKO : LES MALIENS DUBITATIFS

 ARRIVÉE PROCHAINE DE TRAIN À BAMAKO : LES MALIENS DUBITATIFS

Face aux embouteillages interminables qui étouffent Bamako, l’idée d’un métro a récemment été évoquée par les autorités de la transition.

L’exemple d’Abidjan ou encore de Lagos semble inspirant, mais la capitale malienne doit composer avec des réalités autrement plus complexes. Pour l’instant, seule une ligne partant de Niamana à Rail Da a été mentionnée. Cependant, en nous basant sur des villes de taille similaire à Bamako et possédant un métro (Lyon en France, Medellín en Colombie, Kazan en Russie), on peut rapidement se faire une idée des infrastructures nécessaires au désengorgement de la capitale malienne. Ainsi, ce seraient environ quatre lignes de métro et plus de 35 kilomètres de voies qui devraient être construits. Des axes stratégiques reliant l’aéroport Modibo Keïta au palais présidentiel de Koulouba, en passant par des quartiers clés comme Sabalibougou et ACI 2000 jusqu’à Magnambougou, offriraient autant de solutions pour fluidifier la circulation et dynamiser l’économie locale.

Mais entre l’idée et sa réalisation, le gouffre est immense. Le premier obstacle, c’est le coût. La construction d’une ligne de métro nécessite des investissements allant de 50 à 200 millions de dollars par kilomètre.

Avec un réseau estimé à 35 km, la facture pourrait atteindre 3 000 milliards de francs CFA, soit plus que le budget annuel de 2025. Un montant colossal pour un pays dont les priorités restent axées sur d’autres besoins tels que la défense, l’éducation ou encore l’accès à l’électricité, crucial pour un projet aussi énergivore. Et au-delà des finances, il y a aussi la question du temps. Addis-Abeba a mis quatre ans pour réaliser ses 34 km de tramway, Lagos a attendu vingt ans pour voir aboutir une seule ligne de 27 km. Pour Bamako, il faudrait au moins une décennie avant de voir circuler une première rame. Cependant, contrairement à d’autres grandes villes, le projet annoncé ne sera pas souterrain. Si cela élimine les contraintes géologiques et le risque d’inondation, cela pose un autre défi majeur : l’espace disponible. Bamako est une ville dense, avec peu de marge pour de nouvelles infrastructures lourdes. Insérer un métro aérien ou au sol signifierait réaménager en profondeur l’organisation urbaine, déplacer des marchés, des habitations et modifier la circulation existante. Le projet devient d’autant plus irréaliste lorsque l’on se rappelle l’état actuel du seul train détenu par l’État malien. À l’arrêt depuis plusieurs mois, le train « Soundjata », du nom du héros historique, est vieillissant et date de l’époque coloniale.

Malgré des promesses répétées de le remettre sur les rails et les efforts collectifs des usagers, des cheminots et de la ministre des Transports, il reste immobilisé, faute de moyens et d’entretien. À ces nombreuses contraintes liées au coût et à l’espace vient s’ajouter la réaction des Maliens face à cette nouvelle.

Bon nombre d’internautes n’ont pas manqué de critiquer l’annonce, pointant du doigt le manque criant d’électricité pour alimenter les supposés trains. D’autres encore évoquent le précédemment cité “Soundiata”, dont le fonctionnement est au point mort depuis de nombreux mois. À cela vient s’ajouter la promesse d’une compagnie aérienne censée diminuer le coût du transport, promesse émise depuis le mois d’août 2024 et qui avait d’ailleurs abouti à la création de la société “Mali Airlines”, restée sans suite jusqu’à présent. Cet enchaînement de promesses sur d’éventuels “transport kura” semble avoir épuisé le peu d’espoir restant des Maliens, qui, pour beaucoup, ont soufflé un “ouf” collectif lors de la diffusion de cette information à la télévision nationale. Alors, quelles alternatives ? Le métro n’étant probablement pas une option viable à court terme et les bus ne pouvant en aucun cas rivaliser avec les manœuvres omnidirectionnelles des Sotrama – qui, malgré le chaos qu’ils engendrent, restent un moyen de transport très utilisé grâce à leur prix abordable et leur flexibilité –, la seule solution semble être non pas la création de nouveaux moyens de déplacement, mais une meilleure régulation de ceux déjà en place. En effet, les rues de Bamako sont bondées de voitures abandonnées (certaines depuis près d’une décennie), de véhicules âgés de plus de vingt ans, de camions en état douteux qui tombent régulièrement en panne au milieu des ponts, sans oublier les jeunes pratiquant la « mal vie » et les enfants mendiants qui s’approchent des véhicules sans la moindre crainte, parfois dès l’âge de trois ans. Bref, la circulation bamakoise a du chemin à faire avant d’être non seulement sécurisée mais aussi véritablement fluide.

Le problème ne réside pas tant dans la qualité des transports que dans le comportement de nombreux usagers et l’absence de régulation efficace. ■

ABDOURAHMANE TRAORE

Sarah TRAORE

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