RADICALISATION DE LA POSITION DU MALI VIS-À-VIS DES SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES : ATTENTION À L’EFFET BOOMERANG !
Les autorités maliennes semblent avoir pris ces derniers temps le poil de la bête contre les sociétés et entreprises étrangères évoluant au Mali. Moov Africa Malitel, B2Gold, Barrick-Gold, Direction Générale de TotalEnergies… Toutes semblent en avoir eu pour leur grade. Si Moov Africa Malitel et B2Gold ont pu trouver des compromis pour se mettre à l’abri, tel ne semble pas être le cas pour Barrick-Gold et la Direction de TotalEnergies, toujours dans la tourmente.
Mais, à rythme, ne faudrait-il pas craindre un effet boomerang pour l’investissement au Mali ? La question se pose, car tout ceci a des répercussions sur l’image de notre pays. L’actualité a été un peu secouée, il y a quelques jours, lorsqu’une lettre confidentielle du ministre de l’Economie et des Finances, adressée à la Direction Générale de Moov Africa Malitel sommant cette dernière, pour le renouvellement de sa licence, au paiement de 160 milliards de FCFA avait été rendue publique. Dans sa lettre, le ministre Sanou indiquait un calendrier strict pour le paiement du renouvellement de la licence. En effet, il exigeait 80 milliards de francs CFA (environ 123 millions d’euros) d’ici au 20 octobre, 40 milliards au 31 décembre et encore 40 milliards au 31 mars 2025. Ce qui fait au total 160 milliards de francs CFA. La société, qui relève du groupe Maroc Télécom, a cependant des crédits à l’Etat malien et souhaitait que ce montant soit déduit du prix de la licence. Une injonction à laquelle le ministre de l’Economie et des Finances avait opposé un niet de non-recevoir à cette requête, expliquant qu’il s’agit de charges de natures différentes dont les montants n’étaient pas encore validés. Mais au finish, un compromis avait été trouvé entre les deux parties.
Les discussions ont cependant tourné au vinaigre avec la société Barrick Gold, au point que le 23 octobre 2024, le gouvernement a dévoilé un sérieux désaccord avec cette dernière.
En effet, dans un communiqué des Ministères de l’Économie, des Finances et des Mines, les autorités ont dénoncé le non-respect par la compagnie de ses engagements contractuels. Un accord signé en septembre visait un partage plus équitable des revenus issu de l’extraction de l’or, après une réforme du code minier permettant à l’État malien d’obtenir un plus grand profit sur le métal extrait de son sol. Viennent s’ajouter à cela des allégations de non-paiement d’impôt et de dividendes par la société Canadienne, accumulant ainsi un manque à gagner avoisinant les 300 milliards de francs CFA pour le Mali. Dans son communiqué, gouvernement a précisait : « compte tenu de la nature des infractions relevées, notamment celles relatives à la responsabilité sociétale et environnementale et à la réglementation des changes, ainsi que des risques sérieux qui pèsent sur la continuité de l’exploitation du Groupe au Mali, dont l’un des permis d’exploitation expire au début de l’année 2026, le Gouvernement de la République du Mali a décidé de tirer toutes les conséquences de droit découlant des actes posés par la société Barrick Gold». C’est dire que la société Barrick Gold risque de se voir retirer bannir de l’exploitation d’or au Mali ! La société a pourtant déclaré avoir “effectué un paiement au gouvernement de 50 milliards de FCFA dans le cadre des négociations en cours”, début octobre, soit environ un sixième du montant dû à l’État malien.
Ce qui n’est rien par rapport au montant réclamé par les autorités maliennes, à savoir 500 millions USD. Il faut préciser que cette demande, qui fait suite à des allégations de non-paiement d’impôts et de dividendes pendant plusieurs années, inclut des redressements fiscaux pour les années 2020, 2021 et 2022.
Une autre société étrangère en maille à partir avec les autorités maliennes est TotalEnergies. On apprend que « la Direction de Total au Mali a été fermée, le vendredi 8 novembre 2024, pour raison d’accumulation d’impayés fiscaux»…. Une décision qui soulève des préoccupations dans les milieux économiques, quant aux répercussions sur l’économie et les relations entre notre pays et les grandes entreprises multinationales. En termes clairs, Total aurait omis de s’acquitter de ses obligations fiscales, entraînant ainsi cette mesure radicale de fermeture. Dans la même veine, nous avons appris que le Directeur Général de la société minière australienne Resolute Mining est arrêté dans un contexte plus large d’interpellations de cadres étrangers de l’entreprise, dont la mesure de garde à vue, à défaut d’être prolongée, devrait prendre fin hier lundi. En effet, le 8 novembre, plusieurs cadres de Resolute Mining ont été interpellés dans un hôtel de la capitale malienne. Les circonstances exactes de cette arrestation restent floues, mais elles soulignent un changement de ton des autorités maliennes envers les entreprises étrangères opérant dans le pays. Les autorités maliennes soupçonnent en effet les responsables incriminés de faux présumés et d’atteinte aux biens publics. Selon des sources proches du dossier, les tentatives de convaincre les enquêteurs ont échoué. La société, tout en niant les accusations, se retrouve en une position difficile face à la législation malienne, qui est devenue plus stricte sur de telles infractions. Un développement qui soulève aussi des questions sur l’environnement des affaires au Mali.
Comme nous l’avons souligné, avec cette position un peu trop radicale avec les sociétés et entreprises étrangères, n’est-ce pas que le gouvernement malien prend aussi des risques de décourager ou de détourner les investisseurs étrangers de la destination Mali, et cela dans un contexte de crise économique sans précédent pour le pays ?
La question est cruciale, car l’Etat, en tant que puissance publique, dispose de beaucoup d’autres moyens de régler des différends avec des partenaires que cette manière cavalière de faire qui, si elle s’avère efficace dans certains cas, pourrait aussi ne pas produire de l’effet escompté. Attention donc à l’effet boomerang ! ■
MAÏMOUNA DOUMBIA