ENQUÊTE DE TERRAIN : PLUSIEURS COMPAGNIES DE TRANSPORTS NOUS CONFIENT : « NOUS NE POUVONS PAS OBLIGER NOS CLIENTES À PORTER LE VOILE, MAIS IL FAUT PRENDRE LA MENACE AU SÉRIEUX »

Les groupes armés terroristes cherchent désormais à semer la peur et à fragiliser la confiance entre l’État et les citoyens.
Dans des vidéos de propagande publiées le 17 octobre dernier sur les réseaux sociaux, le porte-parole du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (JNIM) a imposé ses diktats aux compagnies de transport, sous couvert de la loi islamique. Selon lui, toutes les femmes doivent désormais porter le voile dans les véhicules de transport en commun. Cette situation fait suite à la suspension des activités de la Compagnie Diarra Transport, ciblée par des attaques terroristes contre ses véhicules. Pour permettre à la compagnie de reprendre ses opérations, les terroristes déclarent qu’ils renoncent à cibler ses bus, mais à une condition : « imposer le voile à toutes les passagères et interdire à la compagnie de procéder à tout contrôle des voyageurs ». En d’autres termes, ils posent leurs propres règles sur le territoire national, comme pour affirmer leur maîtrise du terrain.
Cette exigence ne concerne pas seulement la compagnie Diarra Transport, mais toutes les compagnies de transport, y compris les motos et les charrettes.
Pour vérifier si ces diktats étaient appliqués, nous nous sommes rendus dans plusieurs gares routières du District de Bamako. Le constat est clair : rien n’a changé sur le plan vestimentaire des passagères. Contrairement aux informations relayées sur les réseaux sociaux, toutes les femmes ne portent pas le voile. Certaines le font, d’autres non. Les compagnies de transport ne forcent pas le port du voile, mais encouragent les voyageuses à le porter pour leur sécurité. « Nous ne pouvons pas obliger nos clientes, mais nous leur demandons de porter le voile. Il faut prendre la menace des terroristes au sérieux, car personne ne sait quand ils vont arrêter les véhicules. C’est pour leur propre sécurité », explique une guichetière.
Elle précise que les terroristes ont déjà interpellé un véhicule pour le port du voile, ce qui justifie sa prudence.
Dans une autre compagnie, une guichetière confirme : « Nous avons appris comme tout le monde les conditions imposées par les groupes terroristes. La situation est délicate. Pour la sécurité de nos clientes, nous encourageons les femmes à porter le voile. » Un guichetier ajoute : « La mesure concerne toutes les compagnies de transport, mais la réalité est différente. Les terroristes exigent le port du voile, mais son application reste limitée. Notre compagnie n’impose rien, et je ne connais aucune autre compagnie à l’Autogare qui le fasse. Les gens voyagent normalement, rien n’a changé. » Derrière ces annonces sur les réseaux sociaux, il est crucial de déceler une opération de propagande et de manipulation psychologique.
À court d’arguments militaires, le JNIM cherche désormais à semer la peur, diviser les communautés et affaiblir la confiance entre l’État et les populations. ■
YOUSSOUF KONATE