LE DFM DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE DEVANT LES JUGES DE LA COUR D’ASSISES : «IL N’Y A PAS DE DOCUMENT OFFICIEL SUR L’AVION PRÉSIDENTIEL AU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE »

Les témoins défilent à la barre dans l’affaire dite de « l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires », actuellement jugée par la Cour d’assises spéciale de Bamako.
La journée du lundi 23 juin 2025 a été consacrée aux auditions du directeur des finances du ministère de la Défense et des Anciens Combattants, le colonel Bréhima Sow, du directeur du Commissariat des armées, le général Yoro Sidibé, et du directeur général de l’Administration des biens de l’État, Ousmane Christian Diarra. La Cour a d’abord longuement interrogé le général Yoro Sidibé, actuel directeur du Commissariat des armées, sur la procédure d’expression des besoins des forces armées conformément aux textes en vigueur. Il a expliqué : « Lorsqu’il s’agit d’exprimer les besoins des armées, cela doit impérativement passer par le Chef d’État-major général des Armées. Si le ministre de la Défense demande directement à une autre personne de s’en charger sans passer par cette autorité, cela viole la procédure établie. » Le général Sidibé a aussi précisé qu’il n’existe pas de lien hiérarchique direct entre le ministère de la Défense et le Commissariat des armées dans ce cadre précis. « Si le ministre me donne un ordre, je dois d’abord en rendre compte au Chef d’État-major général. Même s’il me demandait d’établir les besoins, je refuserais. Il en va de la cohérence de la chaîne de commandement», a-t-il souligné.
De son côté, le directeur général de l’Administration des biens de l’État, Ousmane Christian Diarra, était attendu avec des documents relatifs à la livraison des équipements militaires.
Malheureusement, il a déclaré à la barre qu’un incendie survenu en août 2016 dans les locaux de la DGABE avait détruit toutes les archives. « Il ne reste aucun document permettant de retracer les matériels remis à l’armée », a-t-il affirmé. Il a rappelé que la DGABE participe à la réception de tous les biens achetés par l’État, ce qui justifie sa présence au sein des commissions de réception des équipements militaires. Toutefois, il a précisé qu’à l’époque, aucune base numérique ne permettait de centraliser les données, ce qui a amplifié les pertes dues à l’incendie. Il a également évoqué les nombreuses difficultés structurelles auxquelles fait face l’administration malienne. Selon M. Diarra, les procès-verbaux (PV) de réception des équipements militaires ont été établis de façon partielle, alors qu’ils auraient dû être définitifs. « Les PV réalisés sont partiels, mais sur le plan comptable, ils restent valables. Il n’existe pas de modèle unique de PV au Mali. Chaque service utilise sa propre méthode », a-t-il expliqué, tout en rappelant qu’un PV définitif devrait spécifier l’ensemble des matériels et être signé par tous les membres de la commission de réception.
Le troisième témoin de la journée, le colonel Bréhima Sow, directeur des finances et du matériel du ministère de la Défense, a déclaré que, d’après les documents consultés, le contrat d’achat des équipements militaires a été entièrement exécuté.
« Je n’étais pas en poste au moment des faits, mais les documents indiquent que les livraisons ont bien eu lieu. Le paiement était conditionné par la réception des matériels », a-t-il précisé. Concernant l’achat de l’avion présidentiel, le colonel Sow a affirmé qu’aucun contrat militaire n’est enregistré dans les archives de son département. « Il n’y a aucun document officiel relatif à l’acquisition de l’avion présidentiel au niveau du ministère de la Défense. Ce dossier n’existe pas dans nos archives. Pourtant, l’avion est bien là, tout le monde peut le voir », a-t-il confié. Il a ajouté que c’est l’ancien ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga, qui a signé seul le contrat d’acquisition de l’avion, alors que le DFM (directeur des finances et du matériel) devait y être associé.
« Le secret-défense ne s’oppose pas au DFM. Les textes exigent les signatures conjointes du ministre de la Défense, du ministre de l’Économie et des Finances, du DFM et du contrôleur financier. Cette procédure n’a pas été respectée, que ce soit pour l’avion présidentiel ou pour les équipements militaires», a conclu le colonel Sow. ■
YOUSSOUF KONATE