UN MANDAT DE 5 ANS RENOUVELABLE OFFERT « EN CADEAU » À ASSIMI GOÏTA : LA PILULE PASSERA-T-ELLE ?

Comme livré dans notre dernière édition, les vraies intentions s’affichent clairement à présent avec l’adoption, par le Conseil des Ministres du mercredi 11 juin 2025, d’un projet de loi portant révision de la Charte de la Transition, avec pour objectif d’accorder un mandat de 5 ans renouvelable, à partir de 2025, au Président de la Transition, le Général d’Armée Assimi Goïta. Divers motifs sont évoqués pour ce faire, dont la « menace de la déstabilisation internationale » et l’atteinte aux « intérêts vitaux des populations ».
Ainsi va-t-on réviser la Charte de la Transition pour offrir un mandat de 5 ans renouvelable « cadeau » à Assimi Goita, pourvu que la pilule passe ? Ce qu’on peut dire, c’est que les fruits sont loin d’être à la hauteur des promesses tenues en août 2020 ! La question qui se pose est de savoir si c’est cela la bonne décision ? En effet, cette décision comblet-elle les attentes des Maliens ? Encore que dans notre édition, et en rebond aux propos du ministre Abdoulaye Diop sur la tenue des élections dans les pays de l’AES sur le plateau de Alain Foka, nous soutenons que la majorité des Maliens continuent à croire que les élections sont la seule issue de sortie de crise au Mali, le retour à l’ordre constitutionnel étant toujours leur principale. Et c’est bien cela qui peut justifier les dernières décisions prises au sommet, notamment la dissolution des partis politiques et des associations à caractère politique, les seuls habilités, selon les dispositions de la nouvelle constitution, à conquérir et à exercer le pouvoir.
Les responsables qui animaient ces organisations dissoutes tout comme beaucoup d’autres maliens n’ont jamais cessé de réclamer la tenue des élections, même s’il a été jugé utile quelque part à en décider autrement, avec la manière la plus radicale, à savoir la dissolution de tous les partis, à laquelle peu de maliens s’attendaient vraiment.
En attendant les réactions des anciens acteurs politiques qui étaient dans une démarche de légalité de rétablissement des choses en leur place, quelques-uns se sont déjà exprimés sur le sujet. C’est le cas de l’ancien Premier ministre Moussa Mara, qui éprouve une « Enorme crainte pour l’avenir immédiat de notre pays suite à la décision prise en Conseil des Ministres ce mercredi 11 juin de proroger la transition pour une durée de cinq ans, qui plus est renouvelable », convaincu qu’ « Au-delà des aspects légaux plus que contestables, c’est surtout le signal lancé par nos autorités qui inquiète ». Et il s’explique : « D’abord en un moment de profonde crise économique qui paupérise des pans entiers de notre société, la nouvelle d’une transition interminable présente aux Maliens la perspective d’une souffrance sans fin. Ensuite le contexte sécuritaire préoccupant crée des doutes sur la voie de lutte poursuivie jusque-là et la persistance de nos autorités dans la même direction maintient une réelle incertitude sur la probabilité de voir notre pays en paix et en sécurité à court et moyen termes.

Enfin la situation socio politique tendue par la dissolution des partis, l’interdiction de toute activité politique et les menaces permanentes contre toute expression d’opinion, crée de profondes frustrations qui ne peuvent qu’être exacerbées par cette décision synonyme d’abandon de toutes perspectives démocratiques pour notre pays. Le cocktail ainsi créé constitue une menace pour l’Etat, la société, et la Nation qui court ainsi un grand danger de dislocation. Ce risque est réel et est sans doute le plus important de notre histoire récente… ». Pour sa part, l’ancien ambassadeur Niankoro dit Yeah Samaké, a préféré passer par un message de dénonciation de « Projet de loi anticonstitutionnel ». En effet, pour lui, le projet de loi adopté en Conseil des ministres, octroyant au Président de la Transition un mandat de 5 ans renouvelable, constitue un coup d’arrêt brutal aux aspirations démocratiques du peuple malien. « Ce texte, élaboré sans légitimité populaire ni débat inclusif, viole l’esprit de la transition telle que promise au peuple malien après le double coup de force de 2020 et 2021 », dénonce-til, non pas sans ajouter qu’ « Il institutionnalise la confiscation du pouvoir par une minorité et ferme la porte à un retour pacifique à l’ordre constitutionnel ».
Pour l’ancien maire de Ouélessébougou, cette décision grave, au lieu d’ouvrir un nouveau chapitre d’espoir, « entérine l’autoritarisme, affaiblit nos institutions, et expose notre nation à de nouvelles instabilités politiques, économiques et sociales. Je m’élève fermement contre ce projet de loi qui trahit les sacrifices consentis par les citoyens et les forces vives de la nation pour une gouvernance fondée sur la légitimité, la transparence et l’alternance. Aucune transition ne peut être crédible si elle se transforme en règne à durée indéterminée ».
Enfin, il estime que le peuple malien, plus qu’un pouvoir perpétué par décret, mérite des institutions fortes, une justice équitable, et le droit fondamental de choisir librement ses dirigeants, avec l’ultime conviction que « L’histoire retiendra ceux qui ont préféré leur ambition personnelle à l’intérêt supérieur de la Nation ». ■
MAÏMOUNA DOUMBIA