RÉGIMES TRANSITOIRES EN AFRIQUE : LE MALI, LE DERNIER DE LA CLASSE ?

 RÉGIMES TRANSITOIRES EN AFRIQUE : LE MALI, LE DERNIER DE LA CLASSE ?

Les colonels de l’ex-CNSP, prétendument venus parachever la lutte héroïque du peuple malien, ont-ils finalement jeté les masques ? En tout cas, sans amener les Maliens et le bateau Mali à bon port, les voilà propulsés Généraux au sein des Forces de Défense et de Sécurité.

La souffrance et la réduction du train de vie de l’Etat face aux charges afférentes à ces promotions, vous dites ? Une seule certitude : c’est que le Mali, doyen d’âge des pays en transition en Afrique de l’Ouest et au Gabon, risque bien d’être le «bon dernier de la classe», si nous n’y prenons garde ! En effet, en plus de quatre ans de transition, notre pays est à la traîne, aucun projet ni même de garantie fiables pour espérer un avenir meilleur. Tout va de travers, avec à la clé des discours creux, des promesses sans lendemain, pendant que pour la majorité des Maliens qui broient du noir entre crise énergétique, vie chère, misère et précarité, c’est tous les jours «hier était mieux qu’aujourd’hui» ! Au moment, les autres régimes transitoires creusent leur sillon sans tambour ni trompette au grand bonheur de leurs peuples.

Le Tchad, qui a pris le train en marche avec nous, a déjà réussi à remonter la pente, avec l’organisation des élections consacrée par la victoire de celui qui s’était imposé aux tchadiens après la mort tragique de son père au front, et ce depuis le mois de mai 2024.

Cet officier de l’armée tchadienne, qui n’a pas eu ses galons dans un bureau climatisé pour avoir eu faire ses preuves sur plusieurs théâtres d’opération, venait ainsi de montrer la voie aux militaires au pouvoir au Mali, en Guinée, au Burkina et au Niger qui, en lieu place d’organiser des élections pour le retour de l’ordre constitutionnel dans leurs pays, usent plutôt des subterfuges pour faire durer le suspens ! Ce scrutin marquait la fin d’une transition militaire de trois ans après que le Général a été proclamé chef de l’Etat, le 20 avril 2021, pour remplacer son père, Idriss Déby Itno, qui venait d’être tué par des rebelles au front. Comme pour marquer sa différence avec les régimes militaires au Mali, en Guinée, au Burkina et au Niger, Mahamat Déby, adoubé dès son installation par l’armée en 2021 par une communauté internationale, la France en tête, prompte à condamner les putschistes ailleurs en Afrique, s’est aujourd’hui orienté vers la Russie. Le Président russe, Vladimir Poutine a d’ailleurs été le premier dirigeant à féliciter le nouveau Président élu, un signal envoyé sans doute aux autorités des Transitions malienne, burkinabè et nigérienne, auxquelles son pays ne cesse d’appeler à l’organisation des élections! Trois ans après sa prise du pouvoir en dehors de tout processus constitutionnel, le Général Déby faisait donc légitimer sa présidence dans les urnes, même si nombre d’observateurs restent convaincus qu’il s’agissait d’une formalité.

Qu’à cela ne tienne, il a quandmême pu organiser des élections alors qu’il pouvait, à l’image des putschistes d’ailleurs, s’accaparer du pouvoir en toute illégalité et par la seule force des armes !

C’est dire qu’autant il y a différentes manières de faire un coup d’Etat, autant la façon de gérer le pouvoir acquis diffère d’un homme à un autre. De même, si les méthodes peuvent ressembler, notamment pour la restriction des libertés, le matraquage des opposants…, il y a cependant une grande différence dans le traitement et la place qu’on donne au peuple ! En effet, pendant qu’au Tchad on essaye, tant bien que mal, de compatir à la souffrance du peuple, voire comment l’alléger, au Mali on ne cesse de demander à un peuple qui se meurt sous le poids de la précarité depuis des années (Covid, embargo, départ des partenaires…) d’être résilient ! Au Burkina et au Niger, il y a certes des difficultés, mais les régimes en place mettent tout en œuvre pour répondre aux préoccupations essentielles de leurs peuples, alliant efforts militaires de sécurisation et grandes actions de développement. La Guinée, c’est pareil, malgré des incongruités ! Et que faisons-nous chez nous ?

On en est encore à des guerres de positionnement et de place, à avoir tout et à vouloir tout contrôle, pendant que le pays va mal, que l’économie nationale s’effondre du fait de la grave crise énergétique, et alors que les Maliens, qui n’ont jamais été autant divisés et «catégorisés» au double social et politique, ne vivent que de la résilience… Une opportunité s’était pourtant offerte à nous pour nous retrouver, au-delà des clivages et autres ressentiments, autour du «Mali qui pleure» comme dit le chanteur, à savoir le Dialogue inter-maliens ! Mais hélas, alors qu’il revenait au Président de la Transition de saisir cette opportunité de concertation nationale mise en avant par les forces vives de la nation pour reprendre l’initiative avec l’ensemble des Maliens, sans discrimination aucune, comme il nous a été donné l’occasion de le constater depuis la rectification de la Transition, pour sauver notre Patrie en danger, celui-ci a semblé rater le coche.

En effet, alors même que la classe politique, bien qu’ayant boycotté et réfuté les conclusions du DIM, laissait la porte ouverte à une réorganisation consensuelle de la transition dans un délai discuté et convenu ensemble pour sortir le Mali de l’ornière.

La réponse des autorités a plutôt été la suspension des activités des partis et des associations politiques, et cela à la veille même de l’ouverture officielle des travaux du Dialogue inter-maliens ! Pour rappel, les Parties signataires de la déclaration commune du 31 mars, regroupant plusieurs partis politiques, regroupements de partis politiques et organisations de la société, constatant la fin de la Transition, et sans un rejet systématique des autorités de la Transition, réclamaient une concertation nationale en vue de parvenir à un consensus débouchant sur l’organisation de l’élection présidentielle dans un bref délai.

Une belle opportunité, depuis le 18 août 2020, date de la chute du régime IBK, pour les Maliens de sceller une union sacrée pour sauver le Mali, venait de partir à l’eau, avec à la clé des acteurs politiques en prison, malgré la tenue du DIM et la levée de la suspension de leurs activités… Le Président Goita aussi, car il n’avait jusque-là pas bénéficié d’une telle ouverture d’esprit des partis politiques quant à la conduite des affaires de l’Etat depuis la rectification qui l’aura vu prendre les rênes du pouvoir. Ce fut donc un véritable gâchis regrettable, à bien des égards, que de laisse passer cette opportunité pour renouer avec la légalité constitutionnelle de manière consensuelle, dans l’ignorance totale des aspirations profondes des Maliens (eau, électricité, emploi des jeunes, cherté de la vie, fermeture des entreprises et chantiers, restriction des libertés publique…).

Il n’est pas encore trop tard pour bien faire. Après leur promotion au grade de Général, il revient au Président de la Transition et ses compagnons d’armes de se pencher sur les actions de développement, mais aussi d’œuvrer à ressembler les Maliens pour sortir de la Transition… Sinon, à ce rythme, le Mali n’ira nulle part, sans compter les conséquences que cela pourrait engendrer. Que Dieu sauve le Mali ! ■

MAIMOUNA DOUMBIA

Le Soir de Bamako

http://lesoirdebamako

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