CHANGEMENT INATTENDU ET BOULEVERSEMENT CHEZ BARRICK GOLD : LE PDG MARK BRISTOW DÉMISSIONNE, LOULO-GOUNKOTO RETIRÉ DES ACTIFS DE LA SOCIÉTÉ POUR 2025 !

Le géant canadien Barrick Gold a nommé le lundi 29 septembre, Mark Hill au poste de Directeur Général par intérim, après la démission inattendue de Mark Bristow. Une transition stratégique qui intervient alors que l’entreprise est engagée dans un conflit minier avec l’État malien. Une procédure devant un tribunal arbitral du CIRDI (Centre International de Règlement des Différends relatifs aux Investissements).
Le Conseil d’administration de Barrick Gold a en effet annoncé que Mark Hill, vétéran de l’entreprise avec près de 30 ans d’expérience, prendra la tête du groupe en attendant la nomination d’un nouveau dirigeant. Une situation à la fois inattendue qu’annonseuse d’un bouleversement spectaculaire pour cette société engagé dans un bras de fer avec l’État malien autour de la gestion de Loulo-Gounkoto, mais alors que certains responsables de la société croupissent encore en prison à Bamako… En plus, la société aurait décidé de se passer des actifs de Loulo-Gounkoto ! Le nouvel intérimaire Hill, qui supervisait jusqu’ici les opérations en Amérique latine et en Asie-Pacifique, est desormais chargé d’assurer la continuité des activités dans une période particulièrement délicate pour le producteur d’or. Mark Bristow, en poste depuis la fusion entre Barrick et Randgold en 2019, quitte ainsi la société après avoir supervisé son intégration et le renforcement de son portefeuille d’actifs, période durant laquelle le groupe a versé 6,7 milliards de dollars à ses actionnaires et réduit sa dette nette de 4 milliards. Cette transition s’opère alors que Barrick est confronté à un conflit sans précédent avec Bamako,autour de la mine de Loulo-Gounkoto, l’un de ses sites les plus productifs en Afrique, désormais au centre d’un contentieux juridique et fiscal d’envergure.
Le 16 juin 2025, le Tribunal de Commerce de Bamako a ordonné la mise sous administration provisoire pour six mois du complexe Loulo-Gounkoto, situé dans l’ouest à Kayes, et nommé l’ancien ministre Soumana Makadji pour en assurer la gestion.
La décision fait suite à une série de différends fiscaux opposant l’État malien à la compagnie, notamment autour de l’application du nouveau code minier de 2023 qui relève la participation de l’État dans les projets miniers de 20 % à 35 %. Les autorités maliennes ont également bloqué les exportations d’or issues du site et procédé à la saisie de plusieurs stocks appartenant aux filiales locales de Barrick. En janvier, environ trois tonnes d’or ont été transportées par hélicoptère sur ordre du gouvernement depuis Loulo-Gounkoto, une opération que la société qualifie d’illégale. Barrick a aussi affirmé que l’administrateur provisoire a tenté de vendre une partie de ces réserves afin de financer des activités sur place, une démarche que l’entreprise conteste. Face à ces mesures, Barrick a alors engagé une procédure d’arbitrage auprès du Centre International pour le règlement des différends relatifs aux Investissements (CIRDI), invoquant la violation des conventions minières en vigueur. Le groupe, qui détient 80 % des sociétés exploitant Loulo et Gounkoto (le reste appartenant à l’État malien), a par ailleurs retiré le complexe de ses prévisions de production pour 2025, alors qu’il représentait jusqu’à 15 % de sa production mondiale d’or. La société a également comptabilisé une dépréciation de près d’un milliard de dollars liée à la situation au Mali. L’affaire a pris une dimension politique après que les autorités maliennes ont déclaré vouloir reprendre un contrôle accru sur les ressources naturelles, un mouvement observé dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest. En février, Barrick avait pourtant accepté de verser 438 millions de dollars pour régler une partie de ses litiges fiscaux, mais ce règlement partiel n’a apparemment pas suffi à désamorcer la crise. Depuis, la société dénonce les arrestations de certains de ses employés ainsi que des atteintes à l’intégrité de ses infrastructures minières. Rappelons que Loulo-Gounkoto est l’un des plus grands complexes aurifères d’Afrique, exploité depuis 2005 et source majeure de recettes pour l’économie malienne. Son blocage a des répercussions importantes sur les revenus miniers de l’État et sur la capacité de Barrick à atteindre ses objectifs de production mondiale.
Le différend pourrait également avoir des conséquences pour l’ensemble du secteur minier régional, alors que les États du Sahel cherchent à renégocier les termes de leurs contrats miniers pour accroître leur souveraineté économique.
Pour le nouvel intérimaire à la Direction de la société, M. Mark Hill, la mission immédiate sera de stabiliser la direction de Barrick après le départ de Bristow et trouver une issue à ce contentieux qui menace l’un des actifs les plus stratégiques du groupe. Et cela, à un moment où l’arbitrage devant le CIRDI suit son cours… Comme nous l’avons souligné dans ces colonnes hier, es prochains mois seront décisifs pour l’avenir de Loulo-Gounkoto. En effet, Barrick Golde, en différend avec le Mali pour la confiscation de son stock d’or et la prise du contrôle de sa principale mine Loulo-Gounkoto, a engagé un arbitrage contre l’État malien auprès du Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements. Ce conflit majeur découle de l’application du nouveau code minier adopté par Bamako en 2023 et des revendications des autorités maliennes concernant des millions de dollars d’arriérés fiscaux.. Et pour cause, selon les spécialistes de la question, cette procédure comporte généralement deux phases : une phase écrite, suivie d’une phase orale pendant laquelle des experts et des témoins peuvent être entendus. Selon eux, ces démarches, souvent complexes, peuvent s’étendre sur un minimum de trois ans, voire plus, en raison du volume de documents à étudier et du temps nécessaire pour que les parties développent leurs arguments. Si le processus d’arbitrage se poursuit, la décision finale liera juridiquement le Mali, qui ne pourra pas revenir sur sa participation à cette procédure. Aussi pensent-ils que ce conflit ne se limite pas à une simple querelle contractuelle, car il met aussi en lumière des enjeux plus vastes concernant la souveraineté économique du Mali face aux multinationales du secteur extractif, ainsi que la sécurité juridique pour les investisseurs étrangers.
Leur sentence est cependant très claire : les implications pourraient être significatives, notamment si Barrick remportait l’affaire et utilisait la sentence pour saisir des actifs maliens à l’étranger.
Ce qui ne présage rien de bon, Loulo-Gounkoto étant iacplus grande mine de notre pays, avec une production annuelle moyenne d’environ 750.000 onces d’or, l’équivalent de 24 à 25 tonnes d’or par an, soit presque 30% de la production nationale du Mali ! Pour des observateurs avertis, notre pays n’a pas droit à l’erreur dans la gestion d’un site aussi sensible que stratégique que la mine de Loulo-Gounkoto qui, selon ITIE Mali, a produit 23,49 tonnes d’or, exporté 22,923 tonnes d’une valeur de 660,723 milliards FCFA et contribué aux recettes de l’Etat à hauteur de 95,987 milliards FCFA en 2023 ! Or, l’absence d’un compromis entre les deux parties pourrait créer un précédent aux répercussions significatives pour notre pays. Heureusement qu’une résolution à l’amiable reste toujours possible.
Les deux parties, particulièrement l’Etat malien, vont-elles saisir cette opportunité au mieux de leurs intérêts, à défaut de vivre ce qui se p en ce moment entre l’État nigérien et la société française Orano !■
MAÏMOUNA DOUMBIA