AFFAIRE AVION PRÉSIDENTIEL ET ÉQUIPEMENTS MILITAIRES: LES BAMAKOIS COMMENTENT LE PROCÈS
De la rive droite à la rive gauche de Bamako, les citoyens ont suivi avec beaucoup de sérieux l’affaire de l’avion présidentiel et des équipements militaires qui était en cours depuis septembre 2024 devant la cour d’assises spéciale de Bamako.
Sur les deux rives de la capitale, les citoyens n’ont pas manqué de s’exprimer. Le mardi 8 juillet 2025 a marqué la fin du feuilleton judiciaire le plus médiatisé depuis l’avènement de la transition, celui de l’affaire de l’avion présidentiel et des équipements militaires. La Cour d’assises spéciale a rendu son verdict : Mme Bouaré Fily Sissoko, ex-ministre des Finances, écope de 10 ans de réclusion criminelle, l’officier Nouhoum Dabitao est condamné à 7 ans. L’ancien ministre Moustapha Ben Barka, l’opérateur économique Sidy Mohamed Kagnassy, Nouhoum Kouma et Amadou Kouma sont condamnés par contumace à perpétuité. L’État réclame aux coupables des dizaines de milliards de francs en réparation. Vendredi, trois jours après le délibéré, nous avons recueilli l’avis des Maliens sur cette affaire, véritable test pour l’appareil judiciaire à l’ère du nouveau pouvoir qui prône le changement. Sur les deux rives de la capitale, les citoyens n’ont pas manqué de s’exprimer.
M. Camara, ingénieur dans le bâtiment, prend son petit-déjeuner dans une gargote en face de l’hôpital périnatal Mohamed VI à Sébénicoro, en Commune IV. Il ne comprend pas pourquoi Mme Bouaré Fily Sissoko n’a pas dénoncé ses supérieurs à l’époque des faits, et pense qu’elle est la grande perdante dans cette histoire : « En tant que ministre, elle ne peut pas avoir reçu l’ordre de mener une telle opération sans témoin autre que ses supérieurs de l’époque, le président feu Ibrahim Boubacar Keïta et son Premier ministre d’alors, feu Soumeylou Boubèye Maïga, même en l’absence de preuve écrite. »
Plus loin, au quartier de Hamdalaye ACI 2000, toujours en Commune IV, M. Guindo, enseignant, casque noir sur la tête et enfourchant sa moto, est un peu plus nuancé. « J’ai vu plutôt une justice basée sur l’émotion. On a l’impression que le jugement visait à discréditer les anciens collaborateurs du pouvoir déchu d’IBK.» Pour lui, la mort des anciens supérieurs de la ministre laisse beaucoup de zones d’ombre dans cette histoire. Mamoudou, vendeur d’essence à la bouteille, s’interroge : « J’ai suivi l’affaire sur une radio locale. Je me demande si le temps que Mme Bouaré Fily Sissoko a passé en prison compte dans les 10 ans de peine prononcés contre elle? » Son compagnon, lui, se réjouit de l’issue du procès: « Patron ! Ce jugement est une bonne chose. Que ce nouveau régime arrête tous ceux qui se rendent coupables de malversations financières.»
Sur les rives du fleuve, dans le quartier Cité du Niger, Mme Diakité, journaliste, se dit surprise des sommes disparues dans l’administration lors de la gestion des achats. Elle estime cependant que la sanction prononcée est de nature à faire réfléchir les prochains responsables publics. Bourama C ne partage pas cet avis : « Les personnes jugées dans ce procès ont toutes plus de 60 à 70 ans, la justice n’a pas saisi leurs biens pour les remettre au service de l’économie locale», grommela-t-il. Pour lui, l’État doit recouvrer l’argent détourné, penser à comment récupérer des sous sur les affaires impliquant de grosses sommes. À Kalaban-Coura, sur la rive droite de Bamako, cette autre femme s’est réjouie de l’épilogue de ce dossier, « grâce à ce procès, j’ai eu confiance en la justice malienne », précise-t-elle.
Le procès de l’avion présidentiel laisse Bamako partagé, entre espoir de justice et scepticisme face au changement. Mais une chose est sûre : la majorité des Maliens sont désormais plus attentifs aux décisions de la magistrature. ■
Ibrahima Guindo (stagiaire)
