LA DÉFENSE PLAIDE NON COUPABLE POUR MME BOUARÉ FILY SISSOKO ET COACCUSÉS : «L’ACCUSATION DU PROCUREUR GÉNÉRAL EST VIDE…NOUS DEMANDONS L’ACQUITTEMENT PURE ET SIMPLE DE TOUS LES ACCUSÉS »

 LA DÉFENSE PLAIDE NON COUPABLE POUR MME BOUARÉ FILY SISSOKO ET COACCUSÉS : «L’ACCUSATION DU PROCUREUR GÉNÉRAL EST VIDE…NOUS DEMANDONS L’ACQUITTEMENT PURE ET SIMPLE DE TOUS LES ACCUSÉS »

Le procès emblématique portant sur l’acquisition de l’avion présidentiel et des équipements militaires est entré dans sa phase finale décisive. Après plus de quatre semaines d’audience, la défense de l’ancienne ministre de l’Économie et des Finances, Mme Bouaré Fily Sissoko, ainsi que celle de ses co-accusés, s’est exprimée hier, lundi 7 juillet 2025, en plaidant non coupable.

Les avocats présents à la barre ont, tour à tour, plaidé l’innocence de leurs clients. Mme Bouaré Fily Sissoko, alors ministre de l’Économie, est accusée d’avoir délivré une garantie autonome de l’État en dehors du cadre légal, malgré des avis internes défavorables. Le général Moustapha Drabo et le colonel-major Nouhoum Dabitao sont, quant à eux, poursuivis pour avoir exprimé des besoins militaires fictifs sans habilitation légale. De son côté, Mahamadou Camara, ancien chef de cabinet du président de la République, est mis en cause pour avoir émis un mandat au profit de Sidi Mohamed Kagnassy, sans trace écrite ni fondement légal. Dans sa plaidoirie, Me Dianguina Tounkara, avocat de Mme Bouaré, a affirmé qu’aucune preuve de culpabilité ne pesait sur sa cliente. « Ni pour un crime de faux, ni pour usage de faux, ni pour atteinte aux biens publics, que ce soit en qualité de co-auteur: aucune de ces infractions n’est caractérisée. Si aucune infraction n’est caractérisée, Mme Bouaré est innocente, car il y a absence de preuves. En aucune manière, aucune preuve d’aucune infraction n’a pu être apportée. Il faut l’acquitter purement et simplement, car pour condamner, il faut des preuves. Or, il n’y a pas d’infraction, car il n’y a pas de preuves. Et s’il n’y a pas de preuves, vous devez le reconnaître. Il faut l’acquitter purement et simplement », a déclaré Me Tounkara. Pour sa part, Me Robert Takoré a rappelé au président de la Cour qu’ils ont la lourde responsabilité de faire vivre le droit afin d’édifier le peuple malien. « Vous avez eu droit à un cours magistral sur la corruption au Mali, tel que dispensé par le Substitut général. Plus qu’un réquisitoire, le Substitut général a prononcé un discours de campagne, peut-être animé par une volonté dissimulée de promotion à d’autres fonctions que celles qu’il occupe actuellement. Il n’a pas abordé les questions qui nous occupent sous l’angle d’une accusation structurée, et c’est bien dommage », a-t-il déclaré, avant d’entrer dans le vif du sujet.

Selon l’avocat, le contexte dans lequel cette affaire s’est produite n’est pas celui d’aujourd’hui, installé dans la paix. Ce sont les épouses et enfants de soldats tombés au nord du Mali qui ont été les premiers à exprimer des besoins militaires.

Ce sont les femmes qui ont formulé ces besoins. Elles ont dit vouloir que leurs maris, ou ceux qui restent, soient équipés de matériel militaire adéquat. Le président de l’époque, Amadou Toumani Touré, a promis de répondre à cette demande. Malheureusement, le 22 mars 2012, il a été renversé par les militaires. Et il faut croire que ces militaires partageaient les mêmes préoccupations que leurs épouses. Concernant les accusations portées contre son client, Mahamadou Camara, Me Takoré a précisé que celui-ci assurait le suivi des dossiers qui lui étaient confiés par le président de la République, et que tous ses actes relevaient de cette prérogative. Pour l’avocat, il n’y a donc pas d’infraction. « J’ai affirmé qu’il n’y a pas eu de doute. Qu’il n’y a rien, et que peut-être toute cette affaire est une construction depuis le début. On a ciblé les personnes à poursuivre. Dans cette affaire, il n’y a pas de corruption. M. Camara n’a pas été corrompu. Il n’a favorisé personne. Il n’a exercé son influence sur personne, et personne n’a exercé son influence sur lui », a-t-il insisté, soulignant que l’infraction d’atteinte aux biens publics n’est pas constituée. « Le matériel est arrivé. Les paiements ont été effectués. Vous n’allez tout de même pas condamner sur la base de suppositions, alors qu’aucune preuve n’a été apportée à aucun moment », a-t-il conclu. Pour sa part, Me Mamadou Bobo Diallo, avocat du général Moustapha Drabo, a affirmé devant la Cour que certains se servent de la justice pour régler des comptes politiques. «

Tous ces accusés, leur seul tort, c’est d’avoir servi le Mali. Nul ne doit utiliser la justice à des fins personnelles. Ce procès est loin d’être celui du siècle. C’est un procès bancal. Le Vérificateur général, dans une mission commandée, a plongé le gouvernement dans sa plus grande erreur juridique. On est face à une affaire militaire, quoi qu’on en dise. Ce dossier avait été classé sans suite, car il relève purement du domaine militaire. Il s’agit d’une véritable cabale », a-t-il soutenu.

Me Diallo a précisé que le général Drabo n’a participé ni à la conception ni à l’exécution du contrat en cause. Son seul acte a été de formuler les besoins des forces armées. « L’accusation du procureur général est vide. Nous demandons l’acquittement pur et simple de tous les accusés », a-t-il martelé. De son côté, l’avocat de Nouhoum Dabitao a interrogé la Cour : « Comment justifier un préjudice de 34 milliards de FCFA pour un lot d’une valeur équivalente ? » Selon lui, son client n’a pas pris part aux négociations de prix. Au contraire, il aurait même demandé au ministre de traiter directement avec le fabricant, dans le souci de réduire les coûts pour l’État. Pour cette raison, Me Diallo estime que M. Dabitao est non coupable des faits d’atteinte aux biens publics qui lui sont reprochés. Malgré les arguments de la défense, le ministère public est resté ferme sur ses positions. Le procureur a qualifié l’opération de « fraude savamment orchestrée », reposant sur du faux intellectuel commis en bande organisée.

Il a souligné que cette affaire a entraîné un décaissement de 69 milliards de FCFA par la Banque Atlantique, sans réelle couverture budgétaire, avec des surcoûts atteignant 100 milliards de FCFA à la charge du Trésor public.

« Ce procès n’est pas un procès militaire. Nous cherchons l’argent de l’armée. Nous considérons qu’il a été utilisé à d’autres fins. Ce que nous faisons est un devoir souverain. Cet État nous a tout donné. Les accusés ici présents ont servi un régime, pas l’État. L’État demeure, les régimes passent », a déclaré le parquet général. Le ministère public a ainsi demandé à la Cour de maintenir Mme Bouaré Fily Sissoko, le général Moustapha Drabo et le colonel-major Nouhoum Dabitao dans les liens de l’accusation pour atteinte aux biens publics, faux et usage de faux, et escroquerie. L’audience a été suspendue aux environs de 19 heures et reprendra ce mardi matin à 9h30. ■

YOUSSOUF KONATE

Sarah TRAORE

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