TENTATIVES POUR EMPÊCHER LE DÉPART DÉFINITIF DES PAYS DE L’AES DE LA CEDEAO : LES LIMITES OBJECTIVES DE LA NOUVELLE MISSION DE BASSIROU DIAMOYE FAYE ET FAURE GNASSINGBÉ !
Le 66è Sommet des chefs d’Etat de la CEDEAO s’est tenu le dimanche dernier à Abuja. Au centre des préoccupations, plusieurs questions, dont spécifiquement celle relative au retrait des pays de l’AES (le Mali, Burkina et le Niger) de l’organisation.
Si les dirigeants de la CEDEAO ont pris acte de ce retrait, ils ont cependant laissé la porte ouverte, au moins jusqu’en juillet 2025, tout en renouvelant la mission de médiation confiée aux présidents Bassirou Diamoye Faye du Sénégal et Faure Gnassingbé du Togo pour tenter de faire revenir les dirigeants de l’AES sur leur décision. Quelles sont les limites objectives de cette mission ? Sur la décision proprement dite de retrait des trois pays, la Conférence des chefs d’Etat de la CEDEAO en a pris acte, tout en convoquant une session extraordinaire du Conseil des Ministres en juillet prochain pour discuter des modalités de ce retrait. Comme nous l’avions indiqué dans notre dernière édition, pas de représailles donc, ni d’entraves, en tout cas d’ici là, pour la libre circulation des personnes et des biens dans la zone CEDEAO ! Rappelons qu’à la cérémonie d’ouverture du sommet du dimanche, le Président Bassirou Diomaye Faye et son homologue du Togo, ont été « chaleureusement félicités pour leurs efforts de médiation entre la CEDEAO et les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) ».
Mieux encore, la Conférence des Chefs d’État, sous la présidence de Bola Tinubu du Nigéria, leur a renouvelé sa confiance pour poursuivre les négociations diplomatiques visant à réintégrer ces pays au sein de la CEDEAO.
On apprend d’ailleurs que le Président sénégalais effectuera prochainement une visite dans les trois pays dans le cadre de cette mission. Cette décision s’inscrit dans la lignée de la requête du Parlement communautaire, qui avait demandé une prolongation du délai de retrait des pays de l’AES, expirant le 29 janvier, pour au moins un an. Sauf que les deux chefs font face à une mission presque impossible, les ministres des Affaires étrangères de l’AES, réunis vendredi à Niamey, soit 72 heures avant le sommet de la CEDEAO, pour débattre de la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace de l’alliance, ayant réaffirmé l’irréversibilité de ce retrait. Les ministres avaient d’ailleurs souligné que cette réunion «relève de la clairvoyance des trois chefs d’État dans leur ferme volonté de renforcer, dans un esprit panafricain, les mécanismes visant à faciliter la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace ouest-africain », avant de réaffirmer « la portée hautement stratégique de cet engagement dont la mise en œuvre impactera positivement la vie des populations de la Confédération ». Ils avaient profité de l’occasion pour rappeler que la décision des États de la Confédération de se retirer de la CEDEAO était irréversible.
Cette déclaration est intervenue quelques jours seulement après le souhait du Président du Sénégal de maintenir les trois pays au sein de la CEDEAO pour éviter, dit-il, une désintégration de l’organisation communautaire.
Désigné médiateur en juillet 2024 par les dirigeants de la CEDEAO pour désamorcer la crise entre l’organisation communautaire et les pays membres de l’AES, le Président Faye, qui s’est exprimé en marge de la 22ᵉ édition du forum de Doha, a appelé les parties prenantes à s’investir davantage pour relever le défi. « R i e n n ’ e m p ê c h e aujourd’hui de maintenir l’Alliance des États du Sahel, puisqu’elle est déjà là et qu’elle répond à une réalité sécuritaire à laquelle ces pays font particulièrement face », avait indiqué le Président Faye dans une vidéo publiée par les services de la présidence de la République. « Mais en même temps, cela ne devrait pas, de mon point de vue, expliquer une désintégration de la CEDEAO, pour le rôle que cette institution a joué dans le rapprochement des peuples, dans la facilitation de la circulation des personnes et des biens », ajoutait-il. Un optimisme qui butte cependant à la fermeté des dirigeants de l’AES quant à leur décision de retrait de la CEDEAO.
Dès lors, que peuvent faire, objectivement, Diamoye Faye et Faure Gnassingbé ? La question se pose avec acuité, le 1er scénario Bassirou Diamoye Faye, à savoir faire cohabiter l’AES, en tant qu’entité indépendante propre au Mali, au Niger et au Burkina, mais qui restent cependant membres à part entière de la CEDEAO, étant illico écarté par les trois pays ayant réaffirmé le caractère irréversible de leur décision !
La seule option explorable possible serait une exploitation judicieuse de la session extraordinaire du Conseil des Ministres convoquée au 2ème trimestre de 2025 pour examiner et adopter les modalités du retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger, afin que les conclusions qui en sortiront par rapport à un plan d’urgence portant sur les relations politiques et économiques entre l’organisation et l’AES puissent déboucher sur un compromis gagnant pour les deux parties, et au mieux des intérêts de leurs peuples respectifs. Osera-t-on ce pas de part et d’autre ? That is the question ! ■
MAÏMOUNA DOUMBIA