DÉROULEMENT DU DIALOGUE INTER-MALIENS : MODIBO SIDIBÉ PAS D’ACCORD, ET L’A FAIT SAVOIR AU COMITÉ DE PILOTAGE
Le lundi 29 avril 2024, l’ancien Premier ministre, Modibo Sidibé, a accordé en son domicile une audience sollicitée par le Comité de Pilotage du Dialogue Inter maliens pour la Paix et la Réconciliation nationale (DIM). Après les salutations d’usage, M. Jean-Bosco Konaré, 1er Vice-président du Comité de Pilotage qui conduisait la délégation, a pris la parole pour exposer les raisons ayant motivé la rencontre, notamment les objectifs du DIM et ses TDRs afin de recueillir son avis, ses observations et propositions relativement aux recommandations qui seront issues des travaux du DIM. L’ancien Premier ministre, qui n’a pas sa langue dans la poche, n’est pas par quatre chemins pour expliquer son désaccord sur le processus en cours, dans le fond comme dans la forme. Lisons plutôt le récit de son cabinet !
Après avoir écouté la délégation, l’ancien Premier ministre a remercié et salué les membres du Comité de Pilotage pour leurs efforts, avant de leur faire part de ce qui suit. A l’entame de son propos, M. Sidibé a tenu à rappeler son opposition, dès sa conclusion, à l’Accord pour la Paix et la Réconciliation (APR) et son attachement à un dialogue endogène et refondateur, porteur d’un agenda malien de sortie de crise. Cependant, un tel processus de dialogue devrait reposer sur l’implication de toutes les parties prenantes de notre nation, dans le respect de ses valeurs et de ses aspirations.
Des Termes de Référence du Dialogue Inter-Maliens pour la Paix et la Réconciliation
– Sur la forme, le Premier ministre Modibo Sidibé a déploré une saisine tardive à la veille de la phase quasi-terminale du processus du DIM. Il a fait remarquer que le même unilatéralisme qui a prévalu dans la convocation et le pilotage des dialogues précédents, est aujourd’hui accentué par l’exclusion des forces politiques de l’ensemble du processus. Ce manque d’inclusivité, conjugué à l’absence des protagonistes de la crise, n’augure pas une prise en compte des causes profondes de la crise et de leur résorption, ni une appropriation dynamique par les citoyens.
Il a également regretté que des débats aussi essentiels à l’émergence d’un projet commun de résolution de crise et de redressement soient l’objet de précipitations. La profondeur qui sied à de tels échanges est occultée par cette course contre la montre.Sur le fond, les TDRs et les notes contiennent des « narratifs » pour le moins discutables dont le moindre n’est pas le silence sur les Assises Nationales de la Refondation (ANR), aucun résumé sur les questions dites du Nord, sur l’APR (aucune évaluation des recommandations et politiques conduites dans ce cadre), sur le centre du pays, sur l’économie criminelle, l’impact sur la sécurité humaine et l’économie rurale, le risque de délitement de la cohésion sociale, sur le rôle de l’Etat et de ses démembrements…
Les cinq thématiques retenues a priori sans justification, devraient découler, comme d’autres, de l’analyse des causes multiples et profondes des conflits et, donc de leur pertinence dans le processus de résolution ; au nombre de celles-ci, la question de re-légitimation de l’Etat et d’un nouveau contrat social avec les citoyens. Une équipe de haut niveau aurait utilement travaillé à tout cela, et préparé non pas un dialogue national « répétitif », mais une Concertation citoyenne échelonnée sur la base d’un Cahier.
D’autre part, ce dialogue qui déborde de TDRs déjà inadéquats et notre scepticisme sur la possibilité d’ajuster à ce stade la trajectoire du DIM, nous font craindre des conclusions qui s’assimileraient davantage à un catalogue, qu’à de véritables orientations stratégiques pour le pays. Tout ceci incline à s’interroger sur l’apport de ce dialogue à la résolution de la grave crise sécuritaire qui mine notre pays.Ainsi donc, l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé a rappelé que la gravité et la complexité de la crise impliquent une reprise en main par nous-mêmes de notre destin commun, parce qu’il n’y a de solution durable que malienne.
C’est fort de ce constat qu’il a réitéré sa conviction constante qu’un dialogue inter-maliens de REFONDATION était nécessaire pour l’émergence d’un agenda malien de sortie de crise. Etant entendu que le problème dit du Nord n’est qu’un des aspects de la nécessaire refondation du Mali.Un tel dialogue devrait prioritairement s’attacher à identifier les pistes pour rendre l’Etat malien plus représentatif, équitable, et pourvoyeur de services pour tous les citoyens et citoyennes, renforçant ainsi le sentiment d’appartenance nationale chez chaque malien.De même, un tel dialogue devrait présider aux réformes politiques majeures, seul porteur « d’une vision partagée de ce que nous avons été, de ce que nous sommes et de ce que nous voulons devenir. »
Revue des dialogues et autres concertations
Le pays a par ailleurs déjà organisé plusieurs dialogues nationaux au cours des dernières années. Du Dialogue National Inclusif, au Dialogue Inter-Maliens pour la Paix et la Réconciliation, en passant par les Assises Nationales de la Refondation sans oublier, la Conférence d’Entente Nationale.Cet « enchevêtrement » de dialogues et de recommandations, laisse interrogatif : Quel est le logiciel, où est la clarté, quel est le chemin tracé, quelle vision sous-tend cette multiplication de concertations ?
Lors de chacun de ces rendez-vous importants, nous avons contribué de manière rigoureuse selon un fil clair et cohérent : Réunir les Maliennes et les Maliens de la manière la plus inclusive afin de tracer ensemble l’avenir du Mali entier dans son unité, sa dignité, sa sécurité, et sa prospérité. A chaque fois, nous avons martelé l’importance de traiter des vraies questions que sont le « besoin d’état », une démocratie à refonder, une gouvernance à remodeler, l’aménagement équilibré du territoire, une politique globale et cohérente de notre géographie pour ne citer que ceux-ci et, surtout un agenda consensuel de sortie de crise et de redressement du Mali sur tous les plans.
Il est important de tirer des leçons de ces expériences et de mettre tout cela en perspective. Sans cette cohérence, il est à craindre que l’outil du dialogue national ne finisse par se banaliser et perdre de sa crédibilité. Il est également essentiel que le dialogue national soit un processus crédible qui puisse aboutir à un réel changement.Sans cette exigence, nous courrons le grave risque de galvauder ce ressort interne d’absorption et de dépassement de nos crises, de cumuler les gâchis de temps et de moyens, et de provoquer une désaffection du « SIGUI Kâ Fô » auprès des citoyens.
Il nous faut recréer une dynamique de confiance autour d’un véritable dessein Républicain et Démocratique, garant d’une Nation unie et riche de sa diversité et de trouver là, les ressorts d’un avenir à inventer et à construire ensemble, source d’espérance pour notre jeunesse ».
Comme commentaire, disons que l’ancien Premier ministreModibo Sidibé a été plus courageux que nombre personnalités de ce pays, notamment l’ancien Président de la Transition, le Pr Dioncounda Traoré, et même le Président du Comité de pilotage du DIM, l’ancien Premier ministre Ousmane Issoufi Maiga, qui ont décidé de se coucher au lieu de dire la vérité sur la déviation du DIM de ses vrais objectifs !
MAIMOUNA DOUMBIA